• Jocelyn Cottencin

Jocelyn Cottencin

Artiste, graphiste, Jocelyn Cottencin utilise une grande variété de supports pour questionner la place et le statut du signe : sous forme d’installations, de films, de performances ou de créations typographiques, il creuse la manière dont les images nous habitent comme dans la performance Monumental, partition de gestes qui active la mémoire de certains lieux ou monuments.
Au fil de nombreuses collaborations avec des artistes issus du champ chorégraphique, son travail expose la trace mouvante des signes et son impact sur l’expérience sensible, comme dans le diptyque consacré
aux villes de New York et de Saint-Nazaire, conçu avec la chorégraphe Emmanuelle Huynh. Chargé de l’identité graphique de Mille Plateaux, Jocelyn Cottencin va procéder à une dissémination sémantique, tissant un faisceau d’indices sur le territoire : lettres, mots, images, graphie fluctuante transitant par l’édition, l’affichage, mais aussi l’incarnation.

 

Rencontre avec Jocelyn Cottencin

Votre pratique prend des formes multiples, performance, graphisme, chorégraphie, installation, film, livre. De quelle manière ces positions multiples communiquent dans votre travail ? Et en tant qu’artiste complice du projet Mille Plateaux, comment concevez-vous la création de l’identité visuelle du CCN ?

Ma pratique depuis longtemps est un travail qui joue avec la marge, la marge d’une discipline à l’autre, la marge comme zone de croisement, de passage, la marge comme centre. Dans mes projets, le film nourrit le travail performatif, le travail performatif nourrit une réflexion sur le signe et l’image, l’image nourrit le travail sur l’installation, etc. Étant donné cette manière d’engager les projets à la frontière de plusieurs activités, je souhaite activer pour l’identité visuelle d’autres liens entre image et mouvement. Définir la communication sur le terrain de l’action, par le biais de gestes dans l’espace public via l’image, le signe, les textes. Olivia est sensible à l’idée d’une dissémination de signes. L’identité visuelle est envisagée comme prolongement du projet Mille Plateaux. La notion de publication va aussi je pense être un axe important, avec l’idée de publier du contenu, pas seulement un programme de saison accompagné de photos, sachant que ce mode de représentation est souvent rapidement consommé et jeté. On parle beaucoup actuellement de changement de paradigme, de modifier nos habitudes, mais au final, peu de chose change.


La communication est souvent perçue comme un moyen assez utilitaire de diffuser de l’information, là où votre travail d’artiste et de graphiste cherche davantage l’activation et la dissémination de signes. De quelle manière cela rejoint les axes de réflexion de Mille Plateaux, notamment sur le nomadisme et la mise en avant de la pratique ?

J’imagine le travail d’identité visuelle en dialogue avec Olivia comme une réflexion sur un vocabulaire fait de signes, d’images, de formes associées à un terrain, celui de Mille Plateaux. Bien entendu, il y a des réponses fonctionnelles à apporter, des infos à communiquer, des repères à donner, une signature, un logotype, mais je conçois le projet comme un ensemble modulaire, en mouvement, où les sujets s’interconnectent et puissent se nourrir aussi bien des questions graphiques, typographiques, narratives, sémantiques. J’ai dessiné une typographie comme premier élément : elle a pour particularité de pouvoir s’adapter à l’espace dans lequel elle agit, elle se déploie ou se contracte en fonction de l’espace disponible. C’est un caractère assez minimal, une sorte de miniarchitecture faite de lignes, de bâtons qui construisent des formes géométriques. La typographie est un code qui provient du dessin et si l’on remonte encore l’histoire des alphabets, ces dessins étaient des images, des figures. J’utilise la typographie dans un mouvement inverse, je pars du code pour aller vers le dessin et potentiellement vers l’image. La typographie comme image.
J’ai proposé à Olivia qu’il y ait chaque année un ou deux ateliers de recherche et de production d’images et de vidéos sur le terrain du CCN et de La Rochelle : des ateliers articulés autour de mots, d’actions, de sujets qui pourraient être prolongés par le geste, symbolisés par une action. Nous avons fait ensemble une première séquence d’images et de petits films autour d’un ensemble de mots : l’interdépendance, déplacer, décentrer, le terrain. Comment jouer avec ces notions par des gestes, arrêtés ou en mouvement ? J’imagine cette identité visuelle comme une collection de signes en expansion. Ce qui veut dire une mise en circulation possible de ces objets, via le site, via les supports éditoriaux, l’affichage… J’aimerais que l’on puisse réengager ces outils de communication, les détourner de leurs modes habituels.


En 2016, vous avez créé Monumental, une performance autour de l’imaginaire attaché aux lieux, aux monuments. Est-ce que ce projet continue à s’actualiser, et est-ce qu’il pourrait se déployer au sein de Mille Plateaux ?

Monumental porte sur la manière dont les images nous constituent, et dont un groupe peut les re-traverser, les tordre, les prolonger. Il s’agit d’une partition faite à partir d’une quinzaine de monuments, sculptures, architectures présents dans trois villes françaises et étrangères. Ces monuments sont réengagés physiquement à l’aide d’une partition qui traverse les images qu’ils véhiculent. Au départ, j’ai réuni un groupe de danseurs, performers, chorégraphes avec lesquels je dialogue depuis longtemps. Puis j’ai eu l’opportunité de transmettre cette partition à des étudiant.es des Beaux-Arts de Paris. Je pensais que ce serait compliqué, mais en fait ça m’a ouvert de nouvelles perspectives. J’ai compris que le projet était amplifié par le travail de cet imaginaire avec différents groupes que je ne connaissais pas et dans des contextes spécifiques. Chaque remontage est une expérience en soi. La partition de Monumental est à la fois très précise et très atypique dans ses modalités : il n’y a pas de rôles, tout le monde est dépositaire de tout, de l’ensemble de la partition. Je ne parle jamais de répétition, seulement de pratiquer les formes, les signes, les gestes.
Je viens de faire une version à Barcelone avec des jeunes comédiens, danseurs et circassiens dans le cadre du Salmon Festival. J’aimerais beaucoup faire une nouvelle version à La Rochelle, avec les danseurs de l’A.B.C ou les étudiant.es de l’Université.

www.jocelyncottencin.com

© Paula Court