Martín Gil

du 26 au 30 mai

TORDU
de Martín Gil


TORDU naît d’un fait personnel. Ou plutôt d’un non-fait : je n’ai jamais assisté à un méga concert de rock argentin (avec tout ce que cela implique). Pour mettre en contexte. En Argentine, participer à un concert aussi massif que ces méga-événements de rock, c’est beaucoup plus qu’assister à un simple concert, c’est un acte de dévotion total, un acte presque religieux. Ces concerts s’inscrivent dans une tradition de plus en plus présente depuis 1965, début de ce que nous définissons en Argentine comme Rock National Argentin.

Le public qui assiste à ce genre de concert s’engage dans une série de rituels. Des rituels qu’il a lui même créé. Chaque groupe a ses adeptes et chaque concert ses rites. Ces méga-concerts sont uniques par le nombre de personnes qui s’y réunissent, les chants populaires inventés pour encourager les groupes, les grandes banderoles avec des paroles et des slogans écrits par le public, les préparations préalables, et la folie et l’euphorie avec lesquelles le public réagit et participe à ces concerts.

Ainsi, j’ai le désir d’interroger mon rapport à cette culture rock et le fait que je n’ai moi même jamais assisté à un de ces concerts. Mes contradictions entre le désir d’assister à un tel événement, et la peur de me plonger dans une masse de gens rassemblés derrière un même objectif. Mon désir de partager un espace de communion avec la foule, mais la peur de perdre mon individualité. Le vertige de fusionner avec les masses, contre la peur de perdre complètement la tête et la prise de décision consciente. Une lutte interne entre le désir et lapeur, des états et émotions que je voudrais mettre en tension avec mon corps en mouvement.

Mon corps, comme un champ de bataille, qui s'apprête à parcourir une dramaturgie très proche de l'écriture d'un concert. Une écriture composée de fragments inspirés par les éléments qui composent ces concerts du Rock National Argentin.

En termes de genre artistique/esthétique, j’ai envie d’emprunter l’univers du Rock National Argentin. Sans avoir la prétention de vous raconter ici l’histoire entière du Rock National Argentin, voici en quelques mots l’essence de ce qui m’y intéresse:

Le Rock National Argentin se définit lui-même comme un mouvement, dans lequel le facteur d’union de ses membres est une culture partagée, une idéologie de vie qui a la particularité de mettre en jeu la personnalité dans son ensemble, à la fois le rationnel le social et l’affectif. Il s’agit d’une culture populaire contestataire qui ne s’étend pas seulement aux ordres politique, économique ou social, mais remet en question une façon de concevoir le monde. En ce qui concerne l’esthétique, il se caractérise par un mélange de rythmes et de styles musicaux divers, combinés avec un grand univers poétique et métaphorique, dont les paroles imprègnent aujourd’hui la mémoire collective populaire, faisant même partie du vocabulaire quotidien des argentins.

Mon idée est de me servir de cet univers pour teinter de son imaginaire et de sa poétique l’écriture de TORDU: son mouvement, sa scénographie, ses costumes et son atmosphère sonore.

Je me suis intéressé aussi à prendre comme source d’inspiration les acteurs les plus importants du Rock National Argentin, la mystique qui les unit à leur public, et les réflexions sociales, politiques, et universelles de ces artistes qui ne craignent pas de prendre des risques pour s’exprimer à travers leur art et montrer leurs visions d’un monde plus sensible et inclusif.

J’ai l’idée de me servir de tous ces éléments pour les faire entrer en collision sur le corps, et extraire les empreintes que cette enquête laisse par décantation comme forme chorégraphique.

Par ailleurs, compte tenu de l’état actuel de la politique argentine, sous la présidence de Javier Milei, je ressens le besoin de rendre hommage à ma manière aux artistes du Rock National Argentin, qui utilisent leur art comme forme de protestation. Leur engagement dans une lutte politique, sociale, poétique et artistique qui grandit jour après jour pour construire des réseaux de conscience, et faire face au démantèlement de la culture que ce gouvernement anti-culturel est en train de mener.

Le projet TORDU peut fonctionner comme une sorte de base, un coeur, à partir duquel je pourrais faire émerger différents formats et activités artistiques: un spectacle, une installation sonore et visuelle, un workshop, une performance... Un projet qui pourra s’adapter à différents espaces, horaires et conditions de travail, permettant au projet lui-même de croître à son plein potentiel.

Avec toujours une même finalité: inviter le spectateur à vivre l'énergie et l’atmosphère du Rock National Argentin.