Créations
Débandade
Du 16 au 19 Octobre
Création 23, 24 & 25 novembre 2021
le lieu unique, centre de culture contemporaine de Nantes
«J’aimerais que Débandade se situe quelque part entre la comédie musicale, le micro-trottoir, le stand-up et le rituel d’exorcisme.»
En 2019, à l’invitation du TAP à Poitiers, du CND de Paris et du CCN de Montpellier, j’ai eu l’occasion de travailler avec plusieurs groupes d’étudiants de dix-huit à vingt-cinq ans. La pièce, Nous vaincrons les maléfices, qui est née de ce travail se retourne vers les utopies des années 1970 avec les yeux de la jeunesse d’aujourd’hui, marquée par la menace de l’effondrement écologique. Le point de départ en est le documentaire de Michael Wadleight, Trois jours de paix et de musique, consacré au mythique rassemblement de Woodstock. En surimpression de la bande-son qui tient le rôle de fil rouge dramaturgique, les prises de parole des étudiants questionnent celles de leurs aînés quant aux dérives d’une société capitaliste qu’ils ont largement contribuer à valider. Cette expérience éclairante a renforcé ma curiosité envers cette génération née avec le siècle et qui le questionne si bien ; elle a aussi jeté les bases d’un processus que j’aimerais poursuivre ici.
Pourquoi une pièce d’hommes ?
D’autant plus s’il s’agit de questionner un régime d’assignation largement remis en cause aujourd’hui ? En rencontrant tout ce panel de jeunes danseurs d’origines culturelles très diverses et en travaillant avec eux, m’est apparu au travers d’une fluidité des genres pleinement incorporée, une multiplicité et une complexité de points de vue, incarnés dans les corps eux-mêmes, que j’ai eu envie de questionner.
J’ai tenté, très timidement d’abord, de les interroger sur la manière dont ils vivent leur masculinité aujourd’hui. Spécifiquement en tant que danseurs contemporains, partageant un milieu commun, depuis des expériences géographiquement et culturellement très éloignées. La réaction a été immédiate, révélant un manque et un besoin réels de poser des mots sur ce trouble dans le genre, qui tous les occupent à des échelles et selon des points de vue parfois diamétralement opposés.
En un mot, dans un contexte de résurgence d’un féminisme salutaire, mais très offensif, j’ai eu envie de leur demander comment ils allaient. Car non, je ne crois pas que la question soit simple et simplement résolue par des positions politiquement correctes, comme aucunes de celles qui questionnent les représentations du pouvoir, sachant que c’est toujours bien lui, le pouvoir et les monstres qu’il engendre, qui sont à questionner. Est né alors ce projet d’une pièce exclusivement masculine. Une pièce d’hommes pensée par une femme, une pièce transgénérationnelle, une pièce qui parlerait au féminin depuis des points de vue et des ressentis masculins.
Olivia Grandville
La presse en parle
« Débandade aborde les rapports de genres sous une forme plurielle d’une très stimulante tonicité, à la fois physique et spirituelle. » Jérôme Provençal, Les Inrocks.
Olivia Grandville était l’invitée de Marie Richeux dans son émission Par les temps qui courent sur France Culture.
"Quand danse et cirque parlent des masculinités, remonte-couilles compris", Belinda Mathieu, Télérama
"Débandade d'Olivia Grandville", Nicolas Villodre, Danser Canal Historique
« Olivia Grandville a eu une idée politiquement peu correcte et d’autant plus rigolote. En pleine vague #metoo, la directrice du CCN La Rochelle, rebaptisé « Mille Plateaux » par ses soins, s’est mis en tête d’interroger les hommes sur ce grand bazar des assignations de genre. Avec facétie, effronterie et finalement pertinence. Car disons-le d’emblée, il ne s’agit pas ici d’arbitrer un partage équitable du temps de parole, en faveur d’hommes qui viennent de prendre 2500 ans pour raconter la même histoire. Encore moins de contester le chambardement en cours ou de conforter les suprémacistes de la quéquette. Plutôt de questionner les assignations masculines, par symétrie. Et parce que ces injonctions de la société, qui nous font hommes ou femmes, « sont à déraciner les deux en même temps » balaye Olivia Grandville. Pas de quoi brandir le vit de victoire, les vieux matous de vestiaires peuvent donc s’y rhabiller et crier au scandale devant un intitulé si éloquent : Débandade. Mais il ne s’agit pas ici de couper les élans, plutôt à l’inverse de vider le sac de quelques spécimens du genre, en l’occurrence de jeunes mâles davantage contraints par leur représentation dans la société que par l’émancipation des femmes. « Dans cette génération de millennials, raconte Olivia Grandville, je voyais émerger cette fluidité des rôles ». Elle a donc sommé sept danseurs de s’en expliquer le plus simplement : « Qu’est-ce que cette masculinité ? » a-t-elle posé, en souhaitant que la réponse sur le plateau se situe «quelque part entre la comédie musicale, le micro-trottoir, le stand-up et le rituel d’exorcisme ». La barre est haute.
Types et stéréotypes
Il en résulte une pièce très dansée, où l’on se joue des corps, des types et des stéréotypes. Où l’image et parfois la parole, viennent appuyer le propos. Mais où tout se joue à l’énergie, dans une libération des corps que ne parvient pas à contraindre la bande son qui, du rap au rock, tente de déverser son lot de testostérone sur le plateau ou à l’inverse, annonce avec quelques poètes maudits, « le trouble dans le genre ». Olivia Grandville a déjà expérimenté dans Nous vaincrons les maléfices, ce travail de recueil de parole, en confrontant de jeunes étudiants aux utopies stériles des années 1970, suivant de près la bande originale de Woodstock et mesurant, 50 ans après, la colère des héritiers de cette terre brûlée.
C’est dans ce vivier qu’elle a puisé les sept danseurs et le musicien. Avec, cette fois, matière à rigoler, à rebours d’une « époque sérieuse » où, dit Olivia Grandville, « les jeunes se posent des questions de manière très sérieuse ». « On peut aussi prendre une distance avec le sujet » décale t-elle. D’autant que le Covid est passé par là, soulignant la nécessité d’une nouvelle énergie. En femme d’orchestre, la directrice des Mille Plateaux a fait jaillir la parole de ces jeunes hommes aux origines, aux attentes et aux parcours différents. Une pièce d’hommes, pensée par une femme, qui finit par épauler ce féminisme « salutaire mais offensif ». Car bien sûr, Débandade « parle en creux du féminin », mais avec tendresse et bienveillance pour les hommes, produisant un mi-tout complice. On ne naît pas homme, on le devient et les identités masculines sont multiples. Il suffirait peut-être de laisser ce gros paquet de pression au vestiaire pour soulager ces petits d’hommes dans leur quête résolue vers des identités sereines et épanouies. Un petit pas pour l’homme, un grand pas pour une humanité apaisée. »
Rémi Rivière